Embarquer la technologie textile dans les vêtements : Lionnel Ducruet, modéliste & patronnier pour Horse Pilot 

4 avril 2018

Avant de se consacrer au développement de nos vêtements, Lionnel Ducruet a travaillé 25 ans pour Eider… En étroite collaboration avec le pôle développement des produits, il met aujourd’hui son savoir-faire au service de la marque Horse Pilot. Spécialiste du patronage, nous lui devons les technologies textiles embarquées dans nos vêtements. Vous voulez en savoir plus sur son parcours ? Ce qui suit devrait vous intéresser. 

De l’entrepôt à l’établi : une carrière débutée sur le terrain.

Horse Pilot : Lionnel, parle-nous de ton parcours…

Lionnel Ducruet : Mon parcours est assez besogneux… Depuis le tout début comme ça vous aurez toute l’histoire. Ma mère était instit. Mon père a rejoint son frère, fondateur de la société Eider. Il est directeur technique. Je suis plutôt bon élève jusqu’à ce que je me rende compte que je n’ai pas besoin de de faire des efforts pour réussir ma scolarité. Je bosse de moins en moins jusqu’à me retrouver en échec scolaire. Mes parents n’ont pas vraiment apprécié… Ils se sont dit que me confronter à la réalité du monde du travail me remettrait les idées en place.

Mon père m’a donc envoyé faire des cartons et ranger des rouleaux de tissus dans l’usine qu’il dirigeait. Au lieu que ça me serve de leçon, que ça me pousse à faire des études, j’ai trouvé ça pas si mal… Je ne dis pas que faire des cartons pendant des mois et ranger des rouleaux c’est fun quand tous tes copains sont à la fac et s’amusent comme des fous ! Mais de fil en aiguilles mon père a commencé à me faire faire deux trois trucs… Du modélisme, du design, après j’ai géré la production quand mon père s’absentait, les stocks… J’ai un peu tout fait.

Puis je me suis concentré sur la partie développement du produit, design, R&D avec mon background de modéliste et je suis devenu directeur de collection au fil du temps. Eider qui était à la base un société familiale a connu plusieurs rachat par différents groupes, jusqu’au dernier : Lafuma. Là je suis parti parce que je n’étais pas en accord avec les décisions qui étaient alors prises. Eider basculait sur une marque de ski mode sans notion de produit technique alors que toute ma formation était autour du produit. Faire des produits pour des alpinistes, vraiment techniques avec des innovations technologiques à mettre dans les vêtements.

Je suis assez terre à terre sur le produit ; entrer dedans, savoir comment on peut l’améliorer, ce qu’on peut faire… Moins dans l’environnement “raconter des histoires” : je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire mais moi je ne suis pas trop là-dedans !

confection et technicité des vêtements cavalier

La version prêt-à-porter ne m’intéresse pas en fait. J’ai commencé à travailler pour Horse Pilot. Ce qu’il y a de bien c’est que Horse Pilot me permet de mettre en place des technologies, de les apporter. Il y a quelque chose de fondé dans les vêtements, ce n’est pas uniquement pour faire joli. Je trouve ça bien d’être honnête quand on travaille dans le textile et Horse Pilot me permet de mettre en œuvre des connaissances techniques en matière de vêtement.

HP: Tu as parlé de modélisme. En quoi cela consiste exactement ?

LD : Au départ la modélisation c’est le tailleur, celui qui faisait du sur-mesure. On est venu ensuite au prêt-à-porter donc il a fallu “normer”. Faire des vêtements qui ne sont pas sur-mesure. Le modéliste c’est celui qui fait le patronage ; dans le vêtement technique, le modéliste ne doit pas uniquement faire du beau – il y en a qui adore faire ça ; travailler sur du flou, faire de la robe etc. Moi j’aime bien faire du beau mais ce qui m’anime c’est la contrainte technique.

Le modélisme c’est faire la forme du vêtement. Mouler le vêtement, lui donner un look, des fonctionnalités… Tu vas amener des poches dessus, des détails et lui donner du confort, de l’aisance ! C’est ce qui est intéressant : faire un vêtement qui porté, est sympa ET permet de faire des mouvements… Pour l’alpinisme ça sera des mouvements de bras, l’équitation tu as une certaine position donc c’est des préformages, des élasticités particulières. Avec des notions de modélisations, on peut te demander d’intégrer des technologies dans le vêtement.

Tu comprends ce que tu vas devoir changer dans la forme du vêtement pour pouvoir intégrer un élément, transformer une capuche, qu’elle soit petite ou au contraire, qu’elle s’adapte sur la bombe… ça c’est le modélisme. Tu peux demander à une usine de le faire ou alors toi tu dis à l’usine exactement ce que tu veux comme modification, ça te permet d’être plus précis.

Donc moi la base de mon travail qui était d’être patronnier modéliste, ça me sert tous les jours chez Horse Pilot pour pouvoir transformer les vêtements, les rendre plus techniques, plus sympas, et avoir une communication plus fluides avec les partenaires (fournisseurs, fabricants… ndhp).

modélisation du tailleur

HP: Durant ta carrière, tu as eu l’occasion d’équiper des aventuriers et explorateurs tels que Mike Horn. Peux-tu nous en parler ?

LD : Tant que ça touche un domaine que je connais – l’outdoor – je peux le faire. Quand tu équipes un type qui fait quelque chose de très particulier soit un alpiniste qui va faire l’Everest ou alors être dans une face pendant des mois, moi je ne l’ai pas pratiqué ce genre de chose. Donc tu es obligé de travailler avec un conseiller technique ou un sportif de haut niveau, et tu vas jusqu’au bout de ses attentes. Tu fais le vêtement qui lui convient parfaitement.

J’ai toujours fait le vêtement qui était exactement ce que la personne souhaitait. Ensuite, tu récupères ce vêtement et tu le déclines en version « grand public » en enlevant les choses qui sont très particulières et en gardant ce qui est intéressant. C’est un peu le système de la Formule 1 : il y a quelques technologies qui passent de la F1 à la voiture grand public mais pas toutes. C’est ça le principe. En travaillant avec des conseillers techniques qui font des trucs extrêmes, j’ai beaucoup appris.

Parfois ça ne me servira pas du tout parce que c’est trop pointues et parfois ça me permet de mieux réfléchir. La thermorégulation par exemple ; comment fonctionne la lutte contre les éléments extérieurs, quand il pleut et qu’il fait froid, quand l’humidité s’en va mais qu’il fait extrêmement froid est-ce qu’il ne vaut pas mieux faire geler l’humidité à un endroit puis casser la glace tu vois il y a des choses qui ne servent à rien, on ne pourra pas le retranscrire dans un vêtement grand public par contre d’autres si…

vêtement technique

HP: Pour toi qui n’est pas cavalier, comment fais-tu pour savoir quoi faire justement ?

LD : Rien ne se fait sans l’équipe de développement Horse Pilot. Guillaume, Marion (pôle produit chez HP), soulèvent des besoins et des envies sur les vêtements. Nous parlons par exemple d’un tissu stretch mais résistant : on en discute puis je me sers de mes connaissances. Finalement que ce soit l’équitation ou un autre sport ; on en revient à une activité sportive outdoor ; il y a du mouvement, tu dois lutter contre les éléments ; parfois tu as trop chaud, parfois trop froid, tu dois évacuer la transpiration

La protection contre les éléments extérieurs et le confort corporelle tu le retrouves dans tous les sports : du running à l’expédition polaire, où tu dois gérer ces différentes phases. En alpinisme c’est pareil. L’équitation c’est une activité qui se fait à l’extérieur donc tu as le confort, l’ergonomie, la protection contre les intempéries, la gestion de la chaleur et des transferts d’humidité. L’élasticité pour le pantalon de cheval aussi, la résistance à l’abrasion… Ensuite tu places ton curseur. Si on me demande que le vêtement il soit une veste trois couches, qu’elle puisse tenir sur la cuisse avec un système d’attache, la complexité c’est comment je fais pour que ce système, sur une veste 3 couches soit solide, garde l’étanchéité, soit esthétique…

Je n’ai pas les connaissances pour dire « le cavalier a besoin de ça » alors on me dit « le cavalier a besoin de ça, comment est-ce qu’on peut faire ? ».

 

dessins techniques de conception

Dessins techniques : travail des matières et des zips étanches