Rencontre avec Valentine Hssein, une groom concours passionnée
Valentine Hssein est groom concours depuis 3 ans pour la cavalière internationale Fanny Skalli. Quand elle n’est pas dans l’écurie Guerdat en Suisse, Valentine accompagne Fanny sur les terrains de concours où son rôle auprès des chevaux est fondamental pour assurer la parfaite disponibilité des athlètes équins, tant physiquement que mentalement. Métier intense et exigeant, où la passion et la polyvalence sont essentielles, le groom concours nécessite des compétences techniques solides en matière de soins équins, mais aussi des qualités personnelles telles que l’organisation, la flexibilité et la capacité à travailler efficacement en équipe.
Focus sur le métier de groom concours à travers l’expérience de Valentine Hssein.
Présentation de Valentine Hssein
Horse Pilot : Peux-tu nous parler de ton parcours, tes choix de carrière, les rencontres que tu as pu faire, les opportunités que tu as pu avoir pour finalement rencontrer Fanny ?
Valentine Hssein : J’ai commencé l’équitation à l’âge de 14 ans après de nombreuses années à pratiquer du volley, sport que pratiquent également mes parents, puis du basket. J’avais depuis longtemps l’envie de faire de l’équitation et lorsque j’ai commencé, cette passion ne m’a plus quittée. J’ai malgré tout passé un bac général scientifique car mes parents tenaient à ce que j’aille au moins jusqu’au niveau bac, puis j’ai fait deux ans de formation : une année de CQP (Certificat de Qualification Professionnelle) et une année de BPJEPS pour enseigner.
Ensuite, mon objectif était de trouver une écurie pour devenir cavalière maison et me perfectionner à cheval dans le but de passer, 2 ou 3 ans après, le DESJEPS pour devenir instructrice. J’ai trouvé une écurie en Normandie où j’ai été cavalière maison pendant un an et demi puis groom concours pendant un an et demi aussi. Cette dernière expérience a été une vraie révélation et a bouleversé tous mes plans. Je savais désormais quel métier je voulais exercer : groom concours. Je suis donc restée 6 ans en Normandie puis, il y a 3 ans, j’ai appris que Fanny Skalli cherchait un groom concours et j’ai tenté ma chance. J’avais envie de partir à l’étranger donc c’était une réelle opportunité pour moi. J’ai contacté Fanny qui m’a proposé de faire un essai. J’y suis allée la première semaine de janvier 2021 et ça s’est très bien passé. Je suis donc rentrée en France où j’ai déménagé toutes mes affaires, et j’ai commencé à travailler pour Fanny le 1er février 2021.
HP : Qu’est-ce qui te plaît dans ton métier ?
V.H. : J’aime être au contact des chevaux en permanence et contribuer à développer leurs performances. Je cherche constamment des solutions pour améliorer leur bien-être et leur confort au quotidien, pour les rendre plus disponibles. C’est vraiment quelque chose que j’aime dans mon métier.
Le métier de groom
Le métier de groom : au quotidien
HP : Qu’est-ce que tu gères au quotidien ? Alimentation, préparation, entretien, suivi médical …
V.H. : J’essaye de gérer un maximum de choses au quotidien. Le groom est un peu comme un couteau suisse. Dans ce métier, on a la préoccupation constante du bien-être physique des chevaux donc on doit être très observateur. On doit connaître les chevaux sur le bout des doigts pour pouvoir déceler la moindre anomalie et agir le plus rapidement possible. Quand je mets des chevaux dans le camion pour partir en concours, je veux qu’ils partent à 200% de leurs performances. Je m’assure donc que toutes les cases soient cochées avant de partir. Je communique beaucoup avec Fanny et les autres membres de son équipe, Gaëlle la groom maison et Pauline la cavalière maison. Dès qu’il y a un doute, on essaye ensemble de trouver une solution. Par exemple, si on sent qu’un cheval est un peu plus fatigué que d’habitude, on en discute tous ensemble, toujours dans l’idée que plus on agit vite, mieux c’est.
En tant que groom, je gère également toute la partie alimentation, toujours en concertation avec l’équipe : comment les chevaux vont manger ? Qu’est-ce qu’ils vont manger ? De quoi ils ont besoin pour être au mieux de leur forme ?
Et puis, il y a toute une partie qui concerne l’administratif. Je dois par exemple gérer les papiers sanitaires et noter dans une application, 3 jours avant le concours, les températures des chevaux.
HP : Peux-tu décrire une journée type au quotidien ?
V.H. : La journée commence à 7h mais j’aime arriver plus tôt pour profiter d’un moment où je suis seule avec mes chevaux et leur donner le foin. On commence par sortir les chevaux et on les divise en lots : certains vont au paddock, d’autres au marcheur. Ensuite, on fait les box. Dans l’écurie Guerdat, tout le monde participe, que ce soit le cavalier concours, les cavaliers maison, les grooms. Puis, quand c’est terminé, on rentre tout le monde, on remet de l’eau et on sort les chevaux au travail (longe, travail à pied, forêt…). On essaye de sortir tous les chevaux le matin. Pour la pause de midi, on s’organise à tour de rôle pour que tout le monde puisse aller manger. On reprend à 14h et l’après-midi est consacrée aux soins. Les chevaux retournent au paddock pendant qu’on nettoie les box, qu’on range l’écurie et qu’on remet du foin. On rentre les chevaux entre 15h30 et 16h et on les nourrit.
Ce que j’aime dans l’écurie Guerdat c’est que les chevaux sont souvent dehors, c’est quelque chose de très important ici. Nos chevaux sortent 3 à 4 fois par jour et restent 3 voire 4 heures maximum dans le box en journée. On veille à ce qu’ils aient des conditions de vie les plus naturelles possibles. Nous avons la chance d’avoir un accès immédiat à la forêt, donc on essaye le plus possible de les y emmener, minimum 2 fois/semaine. Nous avons également de nombreux terrains en herbe pour les travailler en dehors de la carrière.
Le métier de groom : en concours
HP : Qu’est-ce qui change quand tu vas en concours ? Est-ce que la gestion des chevaux est différente ? Est-ce qu’il y a des moments où tu te retrouves seule ?
V.H. : En concours, on essaye le plus possible de rester sur le même fonctionnement qu’à la maison. Bien qu’il y ait un peu plus de contraintes horaires pour respecter le rythme imposé par les épreuves, on continue de sortir les chevaux un maximum. Une journée type en concours ressemble donc beaucoup à ce qu’on fait à la maison : on arrive, on nourrit, on fait les box puis on commence à sortir les chevaux. À partir de 5 chevaux, on est deux pour assurer le travail correctement et sortir les chevaux au maximum.
HP : Le groom a un rôle essentiel à haut niveau. Quelle est la complémentarité de ton travail avec celui de Fanny ?
V.H. : Je communique beaucoup avec Fanny, notamment quand je mets quelque chose de nouveau en place. Par exemple, quand je teste un nouveau soin, je demande à Fanny si elle ressent une différence dans le fonctionnement du cheval, si on continue ce soin ou si on essaye autre chose. De même, si Fanny ou moi trouvons qu’un cheval est plus fatigué que d’habitude, nous allons en discuter ensemble pour que je puisse mettre en place les soins appropriés et qu’elle puisse adapter le planning de travail en conséquence. Si Fanny sent qu’un cheval en a un peu marre de travailler en carrière, elle va m’en parler ainsi qu’au reste de l’équipe pour qu’on puisse l’emmener en forêt. Ce lien avec Fanny et l’équipe est très important pour améliorer le confort et les performances des chevaux.
Relation de travail avec Fanny Skalli
HP : Contrairement à d’autres grooms, on voit que tu montes beaucoup à cheval. Est-ce que c’était prévu de base ou une relation de confiance s’est installée ?
V.H. : Non ce n’était pas prévu de base. Quand je suis arrivée à l’écurie Guerdat, Fanny était enceinte. Elle n’était pas présente car elle était à Marseille. Du coup, c’était la cavalière maison de l’époque qui montait les chevaux. Moi je les emmenais seulement en forêt, sur les directives de Fanny Skalli.
Et puis, avant même de postuler, j’avais eu un gros coup de cœur pour la jument de Fanny, Jonka. Je l’avais vue en concours à Deauville, quelques mois avant, et je m’étais dit : « un jour, je m’occuperai de cette jument. » Je l’avais trouvée incroyable. C’est une jument très atypique, qui ne se laisse pas approcher par tout le monde. Et j’ai senti tout de suite qu’il y avait un bon feeling entre elle et moi. Je n’avais jamais ressenti cela avant. Je pense que cela a beaucoup joué dans la relation de confiance qui s’est rapidement installée avec Fanny. Jonka est la jument de tête de Fanny donc quand elle a vu que ça se passait très bien entre elle et moi, elle me la confiée pour la monter en forêt. Puis le beau-père de Fanny, qui est également son coach, m’a vu à cheval et a dit à Fanny qu’il me sentait capable de bouger les chevaux aux trois allures. L’idée n’est pas de faire un gros travail car je ne suis pas là pour les dresser, mais seulement de les bouger de temps en temps.
La communication animale dans le métier de groom concours
HP : On sait que tu t’es formée à la communication animale. Est-ce que tu as pu te former en étant groom chez Fanny ? Est-ce que ce genre d’évolution participe à ton épanouissement et te donne envie d’aller plus loin ?
V.H. : J’ai découvert la communication animale il y a quelques années. J’en ai fait faire pour Jonka. Il y a 2 ans, Jessica Morin, une amie de Fanny qui est masseuse équine, est venue masser les chevaux lors d’un concours à Lyon. Elle a ressenti qu’il y avait une relation particulièrement développée entre les chevaux et moi, et qu’il serait intéressant de développer encore plus ce lien. Cette idée m’a beaucoup plu mais je voulais choisir la bonne personne pour me former. Jessica m’a recommandé Fanny Marchal avec laquelle elle s’est elle-même formée. J’ai donc débuté cette formation qui s’est faite à distance, pendant un an, avec des lives vidéo 1 à 2 fois par mois. C’était très pratique pour moi. Cette formation m’a beaucoup plu et depuis, je fais des stages régulièrement. J’ai également très envie de me former dans les soins énergétiques. Ce sont des aides précieuses pour mieux comprendre les chevaux et agir plus vite en cas de problème, que ce soit physique ou émotionnel.
Faire la différence
HP : On se doute que la communication animale fait la différence. Qu’est-ce que ça t’apporte dans la gestion quotidienne des chevaux ?
V.H. : C’est complètement différent car ça ouvre beaucoup de portes pour comprendre les choses et agir. En fait, les chevaux sont tellement intelligents qu’ils savent qu’on peut les aider. Ils se montrent alors plus démonstratifs. Lorsqu’on se met à les observer vraiment, qu’on se met vraiment à leur écoute, on se rend compte qu’ils nous envoient plein de petits signaux. La communication animale nous aide alors à mettre des actions plus ciblées en place. Par exemple, après un effort, cela va m’aider à choisir le soin le plus approprié (argile, arnica, etc.).
J’utilise la communication animale quand j’ai un doute sur quelque chose. Je vais alors me brancher sur le cheval, poser des questions et voir si j’obtiens des informations qui pourraient m’aider à comprendre. Parfois, rien ne ressort car ce qu’on pense être un problème n’en est pas forcément un pour les chevaux. Là encore, je travaille beaucoup en lien avec Fanny, et dans certains cas, la communication animale nous a vraiment aidées.
La communication animale au service des chevaux
HP : As-tu un exemple de situation concrète à nous donner ?
V.H. : J’ai fait appel à ma formatrice pour une des juments de Fanny qu’on n’arrivait pas à comprendre. C’était vraiment très compliqué. On sentait qu’elle n’était pas bien dans son corps. Grâce à Fanny Marchal, on a décelé plusieurs soucis antérieurs qui faisaient que la jument avait certaines attentes. On a changé un peu notre façon de faire avec cette jument, Fanny à cheval et moi à pied. Fanny et moi avons tâtonné un peu pour finalement trouver un fonctionnement qui correspondait mieux à la jument. Cela a pris du temps mais elle a progressé dans le bon sens. Il n’y a pas que la communication animale qui a permis cela car les chevaux de Fanny sont également suivis régulièrement par un ostéopathe, Nicolas Belin. J’ai des bases de massage équin aussi donc dès que je sens un inconfort, je pose mes mains sur le cheval pour tenter de soulager des tensions éventuelles. Ce sont tous ces soins mis bout à bout qui ont certainement débloqués la situation avec cette jument.
HP : Tout le monde veut être groom de grands cavaliers mais comment faire la différence ?
V.H. : Il faut être vraiment passionné et être prêt à mettre un peu sa vie privée de côté. Moi je vis à 200% pour mes chevaux, même quand je suis en vacances ou en repos, j’y pense. Par la force des choses, parce qu’il demande un investissement important, ce métier prend beaucoup de place et il faut être prêt à l’accepter.
Il faut également avoir conscience que c’est un métier très dur car on fait beaucoup d’heures. Il faut donc être persévérant et ne pas s’arrêter à la première difficulté.
L’envie d’apprendre est très importante aussi pour exercer ce métier. Il faut se former régulièrement, être curieux et questionner tout le temps, ne jamais se reposer sur ses acquis. En concours, j’aime regarder ce qui se fait ailleurs. Je me promène au milieu des box et je me renseigne quand je vois quelqu’un faire un soin particulier. J’ai la chance également d’être souvent en contact avec Emma, la groom de Steve Guerdat depuis 10 ans, qui a, de ce fait, une grande expérience.
Enfin, le groom concours doit connaître parfaitement les chevaux dont il s’occupe. Il doit donc les observer énormément pour pouvoir agir rapidement en piochant parmi tous les soins qu’il a appris à faire.
Pour faire la différence, je dirais qu’il faut emmagasiner un maximum d’expérience. C’est grâce à cette expérience qu’on peut être en mesure de prendre les bonnes initiatives au bon moment, et au final, qu’on devient capable de gérer un cheval de grand cavalier. Ce sont des chevaux de grande valeur, pour lesquels le niveau d’exigence dans le travail demandé est très élevé. On doit donc être particulièrement minutieux dans les soins effectués. J’ai travaillé très dur pour être là où je suis actuellement et je suis fière qu’on puisse me confier cette responsabilité aujourd’hui.
Le mot de la fin
HP : Comment vois-tu ton avenir ?
V.H. : Je sais que mon avenir sera avec les chevaux. J’aime ce que je fais actuellement. J’aime énormément être en concours car c’est un rythme intense, loin de la routine. J’ai la chance de pouvoir m’occuper de très bons chevaux et je ne me vois pas faire autre chose pour le moment. Donc j’espère pouvoir aller le plus loin possible dans cette voie.
En parallèle, je vais continuer de me former dans la communication animale, les soins énergétiques et les massages. Ce sont des domaines qui m’attirent beaucoup. Je sais que je pourrais me diriger vers ces métiers si un jour je ressens le besoin de lever le pied. Mais pour le moment, je me sens à ma place.
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Credits photo : Stéphane Cande